STRATEGIE AUTISME : qu'est-ce qui a changé ?

Le 28 septembre Sophie Cluzel, secrétaire d’État chargée des personnes handicapées, et Claire Compagnon, déléguée interministérielle pour ce dossier ont présenté un « point d’étape » à mi-parcours de la Stratégie nationale 2018-2022.

Revenons sur quelques engagements :

L’engagement 1 : « Remettre la science au cœur de la politique publique en dotant la France d’une recherche d’excellence » s’est matérialisé par la création d’un groupement d’intérêt scientifique (GIS) et la création de centres d’excellence en recherche portés par le Pr Amaria Baghdadli au CHU de Montpellier, le Pr Frédérique Bonnet-Brilhaut au CHRU de Tours et le Pr Richard Delorme à l’hôpital Robert Debré. Deux autres devraient être labellisés bientôt. S’il n’y a aucun doute sur l’importance de la recherche, une définition plus précise des axes de recherche serait la bienvenue, les Troubles du spectre de l’autisme (TSA) se trouvant noyés dans les Troubles neuro-développementaux (TND).

L’engagement 2 : « Intervenir précocement auprès des enfants présentant des écarts inhabituels de développement » s’est traduit par la mise en place de plateformes de coordination et d’orientation destinées à accueillir les enfants présentant des troubles du neurodéveloppement avec l’intervention coordonnée de professionnels (psychomotriciens, psychologues et ergothérapeutes libéraux)  en plus des professionnels conventionnés. Même si l’on se perd un peu dans la multiplicité des plateformes et dispositifs qui apparaissent un peu partout (PCPE, PCO, Dispositifs intégrés…), il n’en est pas moins vrai qu’une stratégie de diagnostic était indispensable afin que les familles ne connaissent plus le parcours du combattant que le diagnostic (et son coût) et la recherche de solutions d’accompagnement constituaient jusqu’à présent. Cependant, entre les bonnes résolutions, les effets d’annonce et la réalité de terrain, nous ne sommes pas au bout des surprises : y aura-t-il partout assez de libéraux et de personnels qualifiés pour procéder aux évaluations quand on sait que ceux-ci sont déjà dépassés par les demandes ? Les délais ne risquent-ils pas de s’allonger indéfiniment au détriment d’un accompagnement de qualité et au grand désarroi des familles ? L’engagement est louable et « séduisant », mais le principe de réalité ne risque-t-il pas d’enrayer rapidement la machine et de rompre le charme ? Le gouvernement saura-t-il entendre la nécessité d’allouer plus de moyens pour atteindre ses objectifs ou bien se contentera-t-il de redistribuer les moyens ?

L’engagement 3 : «  Rattraper notre retard en matière de scolarisation ». A en croire le point d’étape, tout est encore merveilleux : «Les enfants autistes peuvent, dès trois ans, être scolarisés dans une école ordinaire avec les autres enfants et engager des parcours scolaires de réussite … Chacun y trouve son compte et l’école se transforme réellement pour devenir inclusive ». Bien entendu que la scolarisation est indispensable, mais qui veut-on leurrer par de tels effets d’annonce quand on connaît les difficultés que rencontrent encore les familles pour scolariser leur enfant et pour combien d’heures par semaine ?

L’engagement 4 : « Soutenir la pleine citoyenneté des adultes ». Si la poursuite des études (secondaire et supérieur), l’accompagnement à la recherche de l’emploi et à son maintien, le développement de l’habitat inclusif sont en voie d’amélioration, qu’en est-il de la citoyenneté des personnes les plus vulnérables (celles qui sont classées dans le niveau 3 de la sévérité des troubles du DSM-5) ? Habitat inclusif pour les uns, création de structures de taille trop importante (par exemple plus de 100 places dans les Yvelines) et donc inadaptée pour les autres. Derrière le même engagement on nous vend des réalités bien différentes.

 

 

Ce point d’étape (https://handicap.gouv.fr/presse/dossiers-de-presse/article/strategie-autisme-et-neuro-developpement)  constitue un « Retour sur deux années de mise en œuvre de la stratégie nationale pour l’autisme au sein des TND». En lisant la première page, on pense qu’il est question d’autisme, mais on s’aperçoit rapidement qu’on parle surtout des troubles neurodéveloppementaux (TND) ce qui conduit certains à évoquer une trahison, celle de la dissolution des TSA dans les TND au motif qu’il faut être équitable.

Si l’on regarde attentivement le DSM-5, les TSA font l’objet d’une classification distincte dans les TND. Tout n’est pas mélangé et le niveau de sévérité fait l’objet d’une classification de 1 à 3 en fonction de l’aide nécessaire. La confusion est donc ailleurs et sert de support pour vendre le même discours à tout le monde, une sorte de « miroir aux alouettes » qui pourrait bien en décevoir beaucoup.

Cela n’est pas acceptable. Il y a longtemps, que lorsqu’on parle d’autisme on ne sait plus de quoi on parle exactement en termes d’accompagnement, ni de qui on parle. Il serait temps de faire preuve d’un peu plus de rigueur. Bien entendu, nos politiques ont sauté sur l’occasion pour noyer les problèmes les plus importants, notamment les difficultés rencontrées par les personnes avec autisme les plus vulnérables et donner l’impression que tout va mieux mais dans la réalité peu de choses ont changé pour certains qui ont encore des difficultés à obtenir un soutien, un accompagnement structuré et de qualité dans la durée.

Françoise HERAULT PLISSON