PREPARATION DU 4e PLAN AUTISME

Une concertation très dirigée ! Pourquoi ?

Sur le site du Ministère, on pouvait lire le 7 juillet un communiqué précisant les objectifs et la méthode d’élaboration du 4e plan autisme (je rappelle que les numéros des plans partent de 2005, lorsque le Dr Douste-Blazy était ministre, alors que dix ans plus tôt démarrait une politique gouvernementale de l’autisme. Depuis l’habitude a été prise de partir de 2005, en oubliant le rôle joué par S. Weil puis celui de M. Aubry et de S. Royal…).

Ce futur plan, donc, s’inscrit dans la continuité du 3e plan, en prenant en compte le rapport d’évaluation de l’IGAS, et d’ailleurs une des inspectrices ayant rédigé le rapport se retrouve à la tête du comité de pilotage chargé de synthétiser les travaux de préparation du plan.

Vous trouverez tous ces renseignements dans la note à l’attention des directeurs d’ARS datée du 9 août 2017. Il est facile de constater que toute la concertation reposerait sur les épaules seules des ARS, puisque la 2e phase de la concertation consistera essentiellement à synthétiser les différents rapports des trinômes des ARS) et à les discuter à la marge (groupes de travail nationaux).

Ce qui frappe, c’est le côté « militaire » ou pour le moins bureaucratique de la méthode suivie. Nul ne conteste qu’il faille une méthode… mais privilégier ainsi le rôle des ARS (les participants des différents CTRA depuis quelques années constatent que ceux-ci sont plutôt des chambres d’enregistrement) est sans doute discutable. Voici l’état de notre réflexion à ce sujet, ce qui constituera la contribution de notre association à la préparation du plan.

1.  Il fallait sans doute sortir des discours tout faits de certaines associations, répétant indéfiniment les mêmes slogans. La méthode alors aurait eu pour but de contourner l’obstacle. Mais le remède, c’est-à-dire émietter les problèmes, disperser l’attention des vraies questions (telles que le financement), etc. est peut-être pire que le mal (la rengaine de certaines associations autour de la seule question de la psychanalyse). Nous pensons qu’il faut retrouver les questions essentielles et par conséquent s’émanciper du cadre contraint qui nous est imposé. En rédigeant cette note, c’est ce que nous essayons de faire.

2. Le 4e plan autisme prendrait donc la continuité du 3e plan autisme qui, dans sa durée, a été piloté par le gouvernement précédent.

Il fallait en début de mandat présidentiel agir vite et rassurer (on sait qu’Emmanuel et Brigitte Macron se préoccupent de l’autisme, ce qui est une très bonne nouvelle, sans aucun doute), mais la précipitation est rarement la bonne politique.

Qu’est-ce qu’un plan ? Que veut-on y mettre, que doit-on y mettre ? Voilà de vraies questions politiques.

Ce qui n’attend pas, c’est la programmation de moyens pour remédier au manque de places à l’âge adulte (les orientations vers la Belgique en sont la démonstration), mais aussi les moyens insuffisants donnés à l’Education nationale, aux IME, etc. Pour cela, il faut s’appuyer sur des statistiques exactes, ce qu’on répète depuis plus de 20 ans…On prêche en plein désert. C’est le travail de l’administration qui donc n’a pas été fait de manière satisfaisante ! Nous verrons dans la préparation du budget 2018 des différents ministères ce qu’il en est. Si un vrai coup d’accélérateur (multiplier par 2 ou 3 les moyens annuels du gouvernement précédent) n’est pas donné, ce sera le signe que l’annonce du plan est de la poudre aux yeux ou un moyen de gagner du temps. C’est déjà le cas pour tous ces parents qui ont découvert à la rentrée que la suppression des contrats aidés privait leurs enfants de la scolarisation (plusieurs milliers). La déception sera alors au rendez-vous (suppression de nombreux AVS).

Le plan (si on en croit les plans précédents), c’est également un catalogue de mesures, d’intentions (de bonnes intentions ?), un exercice qui s’apparente à la dissertation ou aux documents de l’administration, rarement mises en œuvre.

D’où notre scepticisme. Un plan peut être très bon sur le papier et satisfaire ceux qui y ont participé, mais s’arrêter là et restera sans effet.

Surtout qu’en matière de rapport, nous avons été servis. Tous les organismes ont été mis à contribution ces dernières années et on croule sous les informations et la documentation administrative. Le gouvernement précédent (ou plutôt les députés de l’ancienne majorité) ont même sollicité la Cour des comptes (le rapport sera remis en décembre prochain).

Pour quels résultats ? Il faudrait donc s’interroger plus en profondeur.

3. Sait-on bien de quoi (ou plutôt de qui) on parle ?… En 20 ans (23 ans depuis le rapport de l’IGAS de 1994, à la demande de Mme Veil), l’autisme a bien évolué. Non seulement, la prévalence a été multipliée par 20, mais aussi la définition des critères d’inclusion, comme on dit.

Les bénéficiaires des mesures du 4e plan ne sont pas les mêmes que ceux de la circulaire de 1995 (circulaire Veil) et ça change tout.

Nous ne cessons dans nos éditoriaux de dire qu’on finance des structures pour les personnes les plus dépendantes (heureusement qu’elles n’ont pas été totalement oubliées !) tout en faisant comme si l’autisme concernait des personnes avec autisme de haut niveau ou des Asperger. Personne n’y trouve son compte et ce sont toujours les plus dépendants qu’on oublie ou que l’on rejette. On est en pleines eaux troubles et ça ne peut plus durer. Le discours d’un côté, la réalité de l’autre.

Le DSM5 (classification américaine 2014) constitue d’ailleurs un aveu de l’ignorance dans laquelle on se trouve. C’est très courageux de la part des psychiatres aux Etats-Unis, c’est donc une vraie avancée pour la réflexion, mais il faut en tirer les conséquences. La sévérité des troubles (on est plus ou moins affecté par l’autisme) et la sévérité des symptômes associés (déficit intellectuel ou non, maladies associées, dont les maladies neurologiques, c’est sans doute cela qu’on a reproché à Mme Cluzel en juin dernier, existantes ou pas)…

C’est une bonne chose de ne plus recourir à des sous-groupes au sein d’un ensemble appelé syndrome autistique (une même personne pouvait être dans plusieurs sous-groupes, selon les médecins qui faisaient le diagnostic !), mais il faut impérativement tirer les conséquences de cette nouvelle approche, en tenant compte du paramètre de la sévérité des manifestations.

En effet, les besoins des personnes dans ce grand ensemble qu’est l’autisme ne sont pas les mêmes. La grande hypocrisie actuelle, c’est de faire croire que la population est homogène, ce qui est tout à fait faux.

Peut-on sérieusement faire un plan (qui ne soit pas qu’un discours) dans l’état actuel des connaissances sans prendre en compte ce critère essentiel : bien définir les besoins des enfants et des adultes, avant de proposer des orientations, des services, des structures, des méthodes d’accompagnement adaptées.

Or, ce n’est pas la démarche retenue. Les bonnes pratiques, les conditions de réussite, les projets innovants ne seront pas les mêmes selon les personnes qui n’ont pas du tout les mêmes besoins. Il faut arrêter ces mensonges qui perturbent les familles et créent des insatisfactions.

Ce qui est bon pour l’un pourra être très mauvais pour un autre et les solutions présentées comme innovantes pas du tout appropriées.

Nous sommes très en pointe dans le combat pour la transformation du médico-social pour que l’accompagnement respecte (beaucoup plus qu’aujourd’hui) la dignité des personnes, leur valorisation, leur droit à vivre au milieu des autres… mais cela ne pourra se faire que dans la clarté. La confusion actuelle est contre-productive et fournit des alibis commodes à tous les conservatismes.

Il est nécessaire aujourd’hui de recommencer un travail sur l’état actuel des connaissances, 10 ans après le premier travail de la HAS. C’est un préalable, non pas à la planification des enveloppes de crédit comme je l’ai dit mais à l’élaboration en France d’une politique de l’autisme. Sinon, sans ces fondations, on construit sur du sable.

La réflexion scientifique est plus que jamais nécessaire. La science n’est pas un dogme, elle évolue. Si on lit les déclarations de certaines associations, on constate qu’on brandit la science comme un drapeau. Ce n’est pas une démarche scientifique.

Nous avons approuvé en 2012 dans le rapport de la HAS et de l’ANESM ce qui est dit de la psychanalyse, il n’est pas utile d’y revenir (la psychanalyse appartient au passé), mais pour autant on doit faire preuve du même esprit critique (c’est cela la démarche scientifique) pour apprécier les autres méthodes d’accompagnement. Depuis 2012, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts et il serait étonnant qu’une même méthode convienne à quelqu’un qui présente une maladie génétique (20 à 30 % semble-t-il), qui a des troubles associés importants (retard intellectuel, maladies neurologiques, somatiques, épilepsie…) ou qui est exempte de ces manifestations.

Tout mélange constitue un archaïsme et nous sera reproché par les générations suivantes, en particulier lorsque la recherche nous informera mieux sur les différentes étiologies de ce qu’on rassemble sous le vocable autisme.

4. En conclusion, je dirais qu’il faut savoir évoluer et revoir nos connaissances ou nos certitudes les mieux établies. Un dernier exemple : en 1995, nous avons défendu la politique de créer des établissements spécifiques pour personnes avec autisme. A l’époque, vu le retard que nous avions (les autistes étaient rejetés de partout), vu l’absence de formation (hélas c’est toujours vrai), il fallait faire ce choix. Nous nous opposions alors à l’UNAPEI qui depuis a évolué.Mais aujourd’hui, il faut s’interroger sur le fait de regrouper des personnes avec autisme et les conséquences que cela a pour elles (imitation, promiscuité). Sujet tabou. Mais c’est un chantier à ouvrir. Bien sûr pour pallier certains inconvénients, on a créé des petites structures (ce qui de toute façon est une bonne chose), mais est-ce suffisant ?Ces réflexions ont pour but de démontrer qu’il faut ouvrir les débats. C’est pourquoi nous sommes très mal à l’aise pour répondre à des questionnaires tout faits, où on n’a que quelques lignes pour donner un avis… Qui peut croire que la lumière jaillira dans ces conditions ?

Marcel HERAULT – Président de SA3R – 19 septembre 2017