Ce titre d’éditorial pourrait paraître provocateur. En fait nous n’avons fait que reprendre le titre de « La Une » du journal Le Monde du jeudi 17 mai « Comment la France maltraite ses vieux », pour présenter l’avis sévère rendu par le Comité Consultatif National d’Ethique en date du 16 mai dernier.
Le point de départ de cette réflexion était sous la forme d’une interrogation : « Quel sens à la concentration des personnes âgées entre elles dans des établissements dits d’hébergement ? »
On peut se poser la même question concernant en particulier les personnes avec autisme adultes en situation de dépendance (car il ne faut plus confondre, comme on le fait trop souvent, toutes les formes d’autisme !).
Dans le même temps, nous lisons dans la Gazette en Yvelines qu’un projet d’un centre de 158 places devrait voir le jour dans le site de Bécheville du Centre hospitalier intercommunal Meulan-Les-Mureaux qui lui-même poursuit des activités en psychiatrie (coût 30 millions d’euros !).
En juin 2017 nous nous étions élevés contre ce projet avec véhémence. Nous n’étions pas les seuls puisque les associations militantes ont fait part de leur indignation et souvent écrit au Secrétariat d’Etat aux personnes handicapées (Mme Cluzel).
L’ARS et les conseils départementaux n’ont rien fait, l’ARS et le gouvernement idem : « circulez, il n’y a rien à voir » ! Nous avons compris d’ailleurs que l’administration ne voulait plus avoir affaire aux associations de familles (pour une fois unanimes) et préférait les associations gestionnaires généralistes plus dociles et capables de saisir toutes les opportunités pour se développer.
C’est d’ailleurs pourquoi nous (Sésame Autisme 3R) garderons notre indépendance et défendrons avant tout l’intérêt des personnes avec autisme et de leurs parents (souvent tuteurs de leurs enfants à l’âge adulte).
La réponse gouvernementale (plan autisme : voir l’éditorial de début mai) est d’un cynisme total qui a laissé beaucoup de monde dans un état de sidération. Puisque les MAS et les FAM sont des ghettos, on ne va plus financer de places.
Oubliée l’étude du CREAI sur le logement accompagné, oubliées les recommandations de l’ANESM (2005) et de la HAS et de l’ANESM (2018), recommandations où l’accent est mis sur les toutes petites structures, bien insérées dans le tissu social.
Faute de volonté politique pour obliger les ARS d’abord dans le cahier des charges des appels à projets, puis les promoteurs ensuite, puis les gestionnaires à veiller à l’application des recommandations de bonnes pratiques, on jette le bébé avec l’eau du bain.
Le rapport du CCNE fait des propositions concrètes car il se méfie des réactions du gouvernement qui pour des raisons d’économie pourrait avec le même cynisme qu’avec les autistes décider de faire payer les familles par exemple.
Dans le monde du handicap, il existe déjà des ESAT hors les murs.
C’est une idée à laquelle nous sommes très attachés puisqu’elle permet de concilier deux impératifs présentés par certains comme contradictoires :
Utopie ? Non pas, cela existe ailleurs en Europe… Il s’agit d’une volonté politique. Ce n’est pas une idée neuve, comme je l’ai dit précédemment (rapport du CREAI).
Cela ne coûterait pas moins cher, comme je l’ai dit il y a un mois. C’est pourquoi il faut cesser de mettre en avant les « services d’accompagnement à domicile », insuffisants pour les personnes vraiment dépendantes (je n’ai pas d’avis pour les autistes Asperger car je ne connais pas bien leurs besoins). Ces structures souvent ne sont pas remplies et connaissent de grandes difficultés ; c’était une manière de faire des établissements moins coûteux, en faisant par la suite porter la responsabilité aux associations gestionnaires !
De toute façon il faudra diversifier les réponses, les toutes petites structures bien intégrées dans la ville en sont également une.
En conclusion, une interrogation subsiste. Le plan autisme n’a-t-il pas eu comme seule préoccupation que de faire des économies dans le budget de l’Etat, c’est sans aucun doute une motivation importante, comme on le voit dans tous les domaines.
A-t-il pris au pied de la lettre les déclarations de certaines associations mettant sur le même pied l’hospitalisation à l’Hôpital psychiatrique et les établissements médico-sociaux. Un autre article du Point cette fois-ci nous éclaire sur le rôle des minorités qui font preuve d’une forme de terrorisme intellectuel et sont écoutées par les pouvoirs publics qui les craignent (Le point du 17 mai : « Pour en finir avec la tyrannie des minorités »).
Nous défendrons, comme nous l’avons toujours fait, l’intérêt de la majorité : celle des adultes très dépendants que nous connaissons bien et qui ont besoin d’un accompagnement conséquent et de qualité.
Défendons pour eux l’idée de MAS ou de FAM hors les murs de bonne qualité avec des moyens suffisants et réfléchis. En effet, ces projets devront être adaptés à des problématiques parfois compliquées. Il n’y a pas de réponse unique et simpliste.
C’est à l’Etat qu’il incombe de clarifier les besoins. Evidemment les places à créer ne doivent pas découler des chiffres toujours en augmentation des taux de prévalence. Tous les adultes qui rentrent dans une définition très large de l’autisme ne sont pas concernés par les établissements que nous proposons. Si cela peut rassurer l’Etat, tant mieux.
Mais alors, pourquoi cet amateurisme dans la préparation du plan autisme ?
Cela justifie le titre de notre éditorial. Par cynisme économique, ignorance ou mauvaise information, le gouvernement ne pourra pas continuer à se dédouaner de ses responsabilités.
Marcel HERAULT
21 mai 2018