AUTISME : une embellie en 2019 ?

Après la présentation du plan autisme l’année dernière qui nous a laissés sans voix quand on a découvert la suppression des enveloppes ciblées qui permettaient de rattraper le retard que nous avions en France, y aurait-il en préparation des correctifs pour atténuer la brutalité de cette décision.

La réponse est peut-être là où on ne l’attendait pas, lors d’une réunion des maires pour le fameux grand débat qui fait suite au mouvement des gilets jaunes.

Le 15 janvier, E. Macron a été interrogé par une éducatrice (de mémoire) qui demandait des places supplémentaires pour accueillir en IME les enfants handicapés.

Il a plaidé pour une société plus inclusive. Jusque-là, pas de problème. Et d’ailleurs, beaucoup reste à faire pour l’application de la loi de 2005 sur la scolarisation des enfants en situation de handicap.. On ne changera pas leur situation par des textes de loi et encore aujourd’hui les moyens ne sont pas au rendez-vous. A ma connaissance, en 2006 et dans les années qui ont suivi, le ministère de l’Education nationale n’a pas fait l’effort qu’il aurait fallu faire.

Mais si on en revient aux enfants avec autisme, on ne peut pas faire abstraction de la sévérité du handicap. D’ailleurs les deux classifications que sont le DSM5 et la CIM11 préparent des échelles de sévérité. Cela confortera nos connaissances et toutes les observations de bon sens que l’autisme est un spectre particulièrement large et donc qu’on ne peut appliquer les mêmes préconisations de traitement ou d’accompagnement à tout le monde.

Il ne faut donc pas opposer les orientations vers un IME et celles à l’école (avec d’ailleurs, au sein des écoles, la présence d’AVS ou non en classe ordinaire, la scolarisation en Ulis (les ex CLIS). Il y a des degrés d’inclusion différents. Les ULIS sont-ils plus proches de la scolarisation ordinaire ou plus proches des IME dans leur forme d’accompagnement ? Franchement, il faut avoir un esprit particulièrement dogmatique pour ne pas se poser ce genre de question. Une scolarisation adaptée administrativement dépend de l’Education nationale (les ULIS), mais n’est pas si différente de l’accueil en secteur adapté (qui dépend du financement médico-social).

Où un enfant sera-t-il le moins stigmatisé ? Bien malin alors qui répondra avec sincérité et objectivité à ce type d’interrogation. Car l’inclusion est un objectif et un état d’esprit. Un dispositif administratif n’est pas une garantie.

Pour comprendre ce qui a bien pu se passer dans les décisions du plan autisme (et donc le refus de poursuivre une politique de rattrapage vieille de plus de 20 ans, depuis Simone Veil en 1995, il faut disséquer un peu les mots prononcés par le président le 15 janvier dernier.

  • Les décisions du plan ont bien été validées par le président de la République lui-même ; ce n’est donc pas un fâcheux concours de circonstances…
  • II parle de manière extrêmement péjorative des « IME et de centres adaptés fermés » sans qu’on sache ce qu’il met derrière les mots. Fait-il allusion à certains ITEP, mais personne n’a jamais dit que les enfants avec autisme devaient être orientés vers ce genre de structures ? Un IME est-il plus fermé qu’une classe de l’Education nationale ? Assimile-t-il le fonctionnement des IME à celui des hôpitaux de jour qui ont eu la réputation d’être des lieux d’enfermement. Honnêtement on peut reprocher beaucoup de choses aux hôpitaux de jour (d’avoir été en particulier des fiefs de la psychanalyse, au moins à une certaine époque), mais en matière d’enfermement on est bien obligé de constater que les réseaux sociaux qui ont propagé des rumeurs (comme malheureusement également certaines associations à des degrés divers) ont fait beaucoup de mal et désorienté les familles.

Aujourd’hui, quels que soient l’orientation et le dispositif qui serait le plus adapté à tel enfant en particulier, il faut veiller à ce que les recommandations de la HAS soit réellement mises en œuvre. C’est cela le plus important et non pas de croire qu’il y aurait des dispositifs qui, de manière magique, régleraient la « prise en charge de l’autisme ».

On a compris malheureusement que le Président de la République a voulu montrer sa différence avec tout ce qui existait avant lui (le changement pour le changement) en prenant des décisions qui n’avaient pas été vraiment réfléchies et préparées.

Faut-il voir un espoir dans les propos un peu plus nuancés prononcés devant les maires ? Il a reconnu que si on voulait que les enfants ne prennent pas le chemin de la Belgique, il fallait sans doute créer des places d’IME pour tous ceux qui ont une situation de dépendance le nécessitant à la condition qu’elles soient réellement de qualité faut-il ajouter.

Un lapsus incroyable il parle de « rouvrir » des places. Nous n’avions pas connaissance que des places avaient été fermées. Aucune dans le domaine de l’autisme ; quelques transformations d’agrément, mais aucune fermeture significative. Un Président de la République ne peut pas tout savoir, mais alors qu’il laisse un peu de places à ceux qui connaissent les enjeux mieux que lui. Cela lui évitera d’être critiqué d’amateurisme. La mise à l’écart des corps intermédiaires (associations, syndicats, élus locaux) au profit de la verticalité des décisions est maintenant une réalité bien connue.

On imagine bien ce qui s’est passé, hélas. Certains lobbies (qui ne sont pas représentatifs de toutes les personnes concernées par l’autisme) ont leurs entrées à l’Elysée (n’oublions pas que Nicolas Hulot a démissionné en estimant que les lobbies étaient plus écoutés que lui).

Par ailleurs, de manière trompeuse, certains ont utilisé les déclarations de Laurent Mottron du Canada, favorable à la scolarisation, alors qu’il prenait la précaution (pas assez à mon goût) de dire qu’il ne parlait pas de toutes les personnes avec autisme.

Oui, et ce sera le plus important, il existe une partie des enfants avec autisme qui, malgré le dévouement de leur famille, ont des difficultés de compréhension considérables ainsi qu’un repli sur soi empêchant une communication construite, ce qui engendre de gros problèmes de comportement. Pour eux le secteur médico-social est le plus adapté à la condition qu’il soit de bonne qualité et qu’il respecte les recommandations de la HAS et que suffisamment de moyens lui soient attribués. Je pense à toutes ces familles dont le quotidien est si difficile (entre les difficultés financières liées souvent à l’arrêt du travail de l’un des parents, le quotidien avec les autres enfants, les voisins… On a oublié ces enfants et leurs parents. Face à tant de cruauté (car il faut des années pour ouvrir un IME), il faudrait que notre Président écoute ceux qui ont encore les pieds sur terre.

  1. S. : les annonces d’Agnès Buzyn, Ministre de la santé, en décembre 2018, reprises et complétées au Congrès de l’Encéphale le 24 janvier 2019 qui concernent des crédits supplémentaires pour la psychiatre (et la pédopsychiatrie) semblent aller dans le même sens, vers un peu plus de réalisme.

Si vous allez sur le site de l’Encéphale, dans l’éditorial intitulé L’enseignement du réel, vous lirez une citation de Gaston Bachelard : « Le réel n’est jamais ce qu’on pourrait croire, mais il est toujours ce qu’on aurait dû penser ».

Puisse un responsable politique penser juste !

Marcel HERAULT, Président de SA3R,

28 janvier 2019