C’est le constat que l’on est bien obligé de faire.
Personne (parmi les gens sérieux) n’attendait de miracle car la question de l’autisme est très compliquée et les améliorations d’un dispositif (c’est ce qu’on est en droit d’attendre) ne peuvent être que progressives.
Mais l’implication du couple présidentiel, le choix d’une secrétaire d’Etat (que l’on imaginait connaître le secteur associatif) avaient fait naître des espoirs et des attentes.
L’annonce de ce plan a fait l’effet d’une douche froide. C’est cette « trahison » qui explique les réactions à chaud dont la nôtre. Il faut maintenant analyser plus à fond ce qui est proposé à travers cette « stratégie nationale pour l’autisme » (comme si en changeant les mots « plan autisme 4» on changeait les choses !).
Il est vrai qu’il n’y a plus de plan, au sens habituel.
Les plans précédents ne se résumaient pas à l’enveloppe financière, mais celle-ci manifestait malgré tout le désir de tenter de rattraper le retard. Regardons les chiffres de plus près.
Cette année, c’est une nouveauté ; on inclut les dépenses liées à la scolarisation et qui pour l’essentiel iront à l’Education nationale (103 millions d’euros). Mais c’est normal que l’Education nationale joue son rôle. Il y aurait des enveloppes ciblées autisme dans l’Education nationale ? D’un côté on parle d’inclusion et de l’autre on stigmatise, en traitant différemment les enfants avec autisme ?
C’est clair, il faut retirer cette somme de l’enveloppe totale, comme il faut soustraire ce qui n’est pas encore consommé de l’enveloppe précédente (Plan autisme 3).
Nous savons compter et nous n’apprécions peu ces manipulations comptables…
14 millions d’euros iront à la recherche. Tout le monde s’accorde sur l’importance de la recherche (fondamentale et appliquée), mais il faudrait savoir s’il s’agit de crédits nouveaux ou si on inclut des lignes budgétaires de recherche déjà en cours. Méfiance, méfiance…
6 millions d’euros pour soutenir les familles et reconnaître leur compétence. D’accord mais il faudra voir comment on s’y prendra, qui décidera des choix (MDPH ?). Nous réaffirmons notre position : les structures de répit ne remplaceront pas les places manquantes d’accueil ! L’accepter, c’est accepter l’idée que notre pays renonce à accompagner et à soigner ceux qui en ont besoin. C’est ce qui est inacceptable.
Allons à l’essentiel. Il n’y a plus de places nouvelles créées.
La page du secteur médico-social est tournée et cela marque la rupture depuis 1995 et le rôle joué par Simone Veil. Après 22 ans, on enterre la programmation de places pour les personnes avec autisme (ce qu’on appelait les plans successifs).
Rien sur les adolescents. Que deviendront les enfants à la sortie des hôpitaux de jour (à 12 ans en moyenne) et tous ceux qui à la fin de la scolarité primaire ne tirent plus de bénéfices d’une inclusion qui a perdu son sens. Tout le monde connaît ces situations. Nous ne sommes pas contre le volontarisme d’amener l’Education nationale à mieux accueillir les enfants avec autisme, mais un peu de réalisme est également nécessaire.
Les IME pour adolescents (avec des places d’internat) sont très utiles. On a délibérément zappé cette tranche d’âge et sacrifié une génération !
C’est d’autant plus grave qu’on ne crée pas non plus de places en MAS ou en FAM et que les établissements sont obligés de garder les adolescents devenus adultes en IME… Peut-être va-t-on également supprimer l’amendement Creton ?
A l’âge adulte, on ne parle plus que des logements accompagnés. Pour avoir travaillé cette question avec l’ANCREAI (2006-2007), je crois bien connaître ce sujet. L’idée en elle-même est intéressante, à condition de savoir ce qu’on met derrière les mots.
A cette époque, j’ai défendu le principe de toutes petites unités de vie (4 maximum) bien intégrées dans la cité et j’ai ajouté que cela ne coûterait pas moins cher (en tout cas pour les adultes peu autonomes) que des structures médico-sociales type MAS ou FAM. J’avais convaincu, arguments chiffrés à l’appui, la DGCS et l’ANCREAI qui, comme moi, n’y voyaient que l’amélioration de la qualité de vie (c’est ce qui est essentiel).
Si la seule motivation est de faire des économies, on va à l’échec et on aura de très graves problèmes (sécurité des personnes, abus de toutes sortes…).
J’ai entendu certaines familles demander l’argent pour gérer elle-même avec des familles amies l’accompagnement dans ces appartements. Il faut beaucoup de naïveté pour imaginer qu’il n’y aura pas de graves conflits (aussi bien entre ces familles qu’avec les salariés) et des abus.
Il ne faudrait pas qu’une belle idée tourne au fiasco. L’annonce de 10 000 places ainsi créées est totalement irréaliste.
Avec 115 millions d’euros sur 5 ans, on aurait pu créer au mieux 23 MAS de moins de 30 places (soit 4 par an pour 100 départements !) soit 700 personnes adultes accompagnées.
Si avec la même somme, on prétend aider 10 000 personnes, c’est totalement irréaliste et on connaît la suite : seuls les adultes déjà autonomes auront un accompagnement minimum. Pour moi, c’est un scandale !
Ce n’est pas non plus une attitude courageuse. Il est malheureusement vrai que de nombreux établissements déçoivent pour de multiples raisons (qu’il faudrait analyser en détails).
Nous avons essayé de faire en sorte que nos projets de FAM et de MAS se rapprochent du concept de logement accompagné, en développant de toutes petites unités de vie. Nous avons échoué car les directions d’établissements et la direction générale n’ont pas défendu auprès des salariés cette idée qui est la seule susceptible d’apporter la qualité de vie qui fait tant défaut. Force est de constater qu’il est effectivement difficile de réformer le médico-social si les pouvoirs publics ne donnent pas un coup d’accélérateur et c’est ce manque de volonté des pouvoirs publics qui est le problème qu’il aurait fallu traiter en étant beaucoup plus ferme sur l’application des recommandations.
Le courage (de la part d’une secrétaire d’Etat qui a siégé au conseil d’administration de l’UNAPEI où l’on a bien dû aborder ces questions) aurait été de prendre le taureau par les cornes et de faire en sorte que la loi qui prévoit que la personne accompagnée est au centre du dispositif soit réellement mise en œuvre. Trop souvent hélas (j’essaie de ne pas généraliser car j’ai rencontré des gens très bien) c’est le salarié qui compte le plus.
Il faudrait aussi s’attaquer à la maltraitance… or l’impression dans la stratégie présentée, c’est qu’on a fait son deuil du médico-social, pour aller dans une logique libérale et purement individualiste où les plus débrouillards (peut-être) s’en tireront. Cette évolution sociétale est particulièrement inquiétante. Le défaitisme de la secrétaire d’Etat qui renonce donc à réformer le secteur est de très mauvais augure.
On retrouve la même démarche avec les enfants. Personne ne niera l’utilité du dépistage. Encore faut-il savoir comment cela sera organisé. Dans ce que nous avons lu rien n’est guère rassurant. Qui fera ensuite les interventions précoces (dont tout le monde reconnaît l’importance…) ?
On a mis de côté la pédopsychiatrie depuis assez longtemps puisqu’elle ne figurait pas dans les précédents plans. La nouveauté c’est que cette fois-ci c’est le médico-social à son tour qui est « dégagé ».
Evidemment, c’est la conséquence d’un matraquage idéologique de certaines associations. La psychiatrie est assimilée à la psychanalyse (justement décriée dans le cas de l’autisme).
Ce plan a tous les travers d’une société qui n’évolue pas bien, vers un individualisme exacerbé qui est de l’égoïsme le plus souvent. Tout ce qui est collectif est critiqué… Les personnes avec autisme en font malheureusement les frais car elles ne peuvent se défendre seules.
Marcel HERAULT – 9 avril 2018