Vacances accompagnées en FAM

C’est un des corollaires du projet global d’accompagnement des personnes adultes avec autisme par un établissement social et médico-social.

Rappelons d’abord quelques principes d’un tel projet.

1. La partie hébergement du FAM est le domicile des personnes handicapées ; celles-ci disposent d’une chambre individuelle pour laquelle elles perçoivent L’APL (la construction ayant bénéficié d’un PLS) : elles sont donc des locataires (ce qui leur confère des droits qui rentrent dans le droit commun). L’équipe de l’ESMS les accompagne dans leur projet de vie car leur situation de dépendance nécessite des aides dans la vie quotidienne, un soutien pour accomplir leur projet personnel et un suivi rigoureux de leurs besoins en matière de santé.

2. L’hébergement est assuré en petites unités de vie, chacune vivant de manière autonome. Selon les possibilités offertes par l’environnement, ces unités peuvent être regroupées sur un même site (petites maisons accolées ou appartements), voire disposées dans la même agglomération. Dans ce dernier cas, on se rapproche davantage d’une politique de désinstitutionalisation (telle que celle-ci est envisagée dans l’Union européenne), mais le fonctionnement est difficile à organiser. Si on choisit la première réponse, il est malgré tout nécessaire de respecter l’esprit des projets présentés en CROSMS (jusqu’en 2011) ou ayant fait l’objet d’un appel à projet (aujourd’hui aucun projet ne peut être accepté s’il n’est pas inscrit clairement que le projet d’accompagnement prévoit un fonctionnement bien séparé des unités de vie).

3. Le projet d’établissement doit prévoir explicitement que les résidants-locataires sont encouragés à s’approprier leur « chez-soi », à investir leur chambre (qui est presque un studio car les chambres ont toutes une salle de bain, elles sont assez grandes pour pouvoir recevoir leurs proches…) et leur appartement qu’elles partagent avec 3 ou 4 autres personnes ; l’esprit est alors celui d’une co-location pourrait-on dire. L’expression de plus en plus utilisée est « logement accompagné ».

Cette nouvelle conception des foyers a été portée par différentes associations dans les années 2000-2005 (dont Sésame-Autisme) ; elle a été reprise à la demande de la DGCS, par l’ANCRAI dans une synthèse intitulée « l’habitat des personnes avec TED : du chez soi au vivre ensemble (2010-2011) ». Elle est régulièrement rappelée dans les différents plans autisme et certainement la retrouverons-nous dans la recommandation de l’ANESM et de la HAS sur l’âge adulte (attendue pendant l’été 2017).

C’est un changement de paradigme très important puisqu’on passe de «l’assistance » (pour ne pas dire de la « charité ») à l’autonomie accompagnée. Ce mouvement ne cesse de se développer depuis la nouvelle définition du handicap (année 2000) qui fait bien le lien entre handicap et environnement. Les personnes handicapées voient leur situation évoluer et l’environnement s’adapter à eux (et non l’inverse)…

C’est donc dans ce cadre qu’il nous faut maintenant présenter ce que nous entendons par « vacances accompagnées ».

1. Les vacances font aujourd’hui partie de la vie des français, avec comme seule restriction celle des ressources de chaque individu ou famille et cela depuis 1936 (les congés payés). Elles rythment la vie et les personnes handicapées n’ont pas à être exclues de ce nouveau droit. Les québécois insistent sur cette notion à travers la théorie appelée « la valorisation des rôles sociaux ».

Etre un vacancier, c’est aujourd’hui un rôle, une façon d’être ; on n’est pas le même en vacances et au travail, etc. Les lieux, les distractions, les nouveaux amis : tout change et chacun rêve à ce qu’il fera en vacances… pendant les périodes que la société définit elle-même : juillet/août pour les vacances d’été, février ou Pâques pour les vacances d’hiver ou de printemps…

C’est devenu une sorte de norme qui nous définit dans la société. C’est dans cette période que les stations de vacances sont animées, que les plages sont surveillées… Il n’y a aucune raison pour que les personnes handicapées soient traitées différemment (et doivent se cacher des autres, ce serait vraiment une forme de discrimination et les personnes avec handicap y sont très sensibles…).

2. Un foyer, un FAM (une MAS également) accompagne toute l’année la personne.

Bien sûr, pour ne pas rompre les liens familiaux, le législateur a prévu une possibilité de retour en famille de 5 semaines. On peut observer d’ailleurs que l’assurance-maladie (il s’agit surtout des MAS) n’intègre pas ce droit dans le calcul du taux d’absentéisme qui est devenu également un indicateur pour l’ARS. Certains conseils départementaux sont un plus généreux mais cela ne modifie pas le raisonnement.

Le lieu d’hébergement correspondant à la notification d’orientation est bien le domicile des personnes et non le domicile parental ; il doit d’ailleurs assurer un accompagnement 365 j/365… C’est à lui d’assurer l’accompagnement aux vacances. Obliger les familles à accueillir leurs enfants (parfois âgés) pendant les périodes de vacances est parfaitement illégal. Ne rien prévoir qui ressemble à un projet de vacances et qui diffère de l’accueil le reste de l’année durant cette période est une façon de culpabiliser les parents (« vous êtes de mauvais parents »)et de donner à ceux qui restent un sentiment de discrimination et d’impossibilité de vivre une vie autonome d’adultes, d’abandon (la plupart des activités habituelles étant supprimées) et constitue un détournement des règles de fonctionnement prévues dans le code de l’action sociale et des familles.

Plus grave, encore, c’est une façon de dénaturer le projet de vie global de la personne qui doit viser à l’autonomie (une vie indépendante, des choix d’existence qui ne dépendant plus de leur familles… donc la vie de M. tout le monde grâce à un accompagnement qui ne doit pas être étouffant par sa routine).

Il ne faut surtout pas confondre les vacances accompagnées (comme on parle de logement accompagné) avec les « transferts » (encore un mot du médico-social, qui a lui seul en dit long sur un état d’esprit que l’on souhaiterait révolu…). Même en oubliant le mot, les « transferts » habituels étaient de quelques jours et ont été pensés dans le cadre de la « prise en charge » des enfants ou des adolescents pour introduire une séparation avec leur famille dans un autre cadre de vie.

La durée des séjours de vacances accompagnées n’est pas la même, plus longue et surtout se déroule durant la période de vacances du reste de la société.

3. Un autre argument plaide en faveur de la mise en place à l’initiative de l’établissement de l’organisation des vacances accompagnées : le prix demandé aux familles par les organismes spécialisés dans les « séjours de vacances » : plus de 1 000 € la semaine… C’est devenu un marché où les organisateurs sont en position de force, puisqu’ils se réservent le droit de renvoyer la personne qui présenterait trop de problèmes de comportement et de garder les sommes versées (cela figure maintenant dans tous les contrats de séjours de vacances).

4. Ces vacances accompagnées présentent encore d’autres avantages. L’expérience que nous en avons montre que les personnes avec autisme savent adapter leur comportement à un nouvel environnement, ce qui surprend parfois leurs accompagnateurs. Ils s’adaptent plutôt bien (si la réservation prévoit des espaces suffisants, c’est un point-clé) et apprécient : la vie dans les clubs de vacances (soirées musicales, piscine, ateliers divers) même en période d’affluence. P. Elouard (Autisme : les anomalies du comportement – 2014) raconte l’histoire d’une jeune femme (p. 81 et 82) qui n’a commencé à présenter des difficultés comportementales que lorsque la petite station de ski a vu une baisse de sa fréquentation ; elle se retrouvait alors dans un cadre qui lui rappelait celui de son établissement, c’est-à-dire où elle ne vivait pas au sein de la société.

Cela me rappelle ce que racontait également un chef de service d’un hôpital de jour pour grands adolescents. Un père (mécène) proposait d’acheter un chalet pour accueillir dans d’excellentes conditions de confort des enfants ou adolescents… Celui-ci m’indiquait alors que ce n’était peut-être pas une bonne idée parce que ce qui avait bien fonctionné, la vie en club de vacances, ne se retrouverait pas dans un lieu où l’on est séparé du reste de la population. On reconstituerait une vie d’établissement, on ne serait donc plus en vacances.

Tout cela montre qu’il faut être intransigeant avec la philosophie d’un projet d’établissement pour des personnes adultes en recherche d’une autonomie. Si pour des raisons que l’on considère comme plus pratiques on modifie l’idée de départ, on le dénature et cela ne fonctionne pas. On ne triche pas avec les personnes handicapées avec autisme qui se rendent compte qu’on porte sur elles un regard qui les désigne comme différentes… Or elles peuvent prendre comme tout le monde leurs vacances avec les autres, dans les mêmes lieux et aux mêmes périodes.

5. Je me souviens également d’échanges dans les années 2000 avec les directeurs de la Fédération Française Sésame Autisme qui avaient ouvert les premiers foyers. Ils constataient qu’au bout de 3-4 ans les adultes accueillis développaient des troubles du comportement : ils avaient fait le tour de leur foyer et vivotaient dans la routine, ils s’ennuyaient, leur horizon était bouché et les directeurs cherchaient des moyens de rompre la monotonie.

C’est à cette époque que sont apparus les premiers établissements qui proposaient des réponses d’accueil temporaire. L’idée de départ n’était pas seulement de permettre aux familles qui gardaient leur enfant à la maison de pouvoir respirer un peu, mais également de proposer aux « internes », des établissements pour adolescents et surtout adultes, de bénéficier de périodes de répit, de modifier des habitudes qui s’ancraient de manière très forte. Très vite la pénurie actuelle des structures a presque fait disparaître cette ouverture aux établissements (sans compter les problèmes insolubles de double financement).

On peut quand même tirer profit de l’expérience acquise par les accueils temporaires : pour que les bénéfices du changement apparaissent il faut une durée minimale de 15 jours afin que le recul soit suffisant. C’est la durée que devraient avoir les vacances accompagnées durant la période estivale, avec une semaine à une autre période de vacances (Pâques, voir Noël ou février).

6. Bien sûr ces vacances doivent être préparées. Les adultes handicapés doivent être associés à leur préparation (c’est ce qui anime et justifie un projet qui prévoit un accompagnement de personnes adultes dans leur cadre de l’accès à la vie sociale et aux loisirs).

Les personnes doivent pouvoir se projeter ; la période de préparation et d’attente brise également le rythme des heures et des jours… Un événement se prépare dans leur vie et elles en sont actrices, leur investissement est essentiel… Après le séjour viendra le temps des échanges, de la mémoire et la constitution de souvenirs (on doit pouvoir en parler, raconter aux autres et à sa famille, faire des albums de photos, mettre en mots ce qu’on a vécu, rapporter des souvenirs,… comme tout le monde). Les souvenirs pourront à nouveau être exploités et rappelés… c’est cela la vie… c’est également la vie des personnes handicapées et c’est comme cela que l’on pourra sortir de la spirale des rituels, élargir les repères et diminuer les troubles du comportement. Un vrai travail si l’on veut bien en prendre conscience et s’y investir.

C’est aussi pourquoi, il est nécessaire que ce soit l’établissement qui s’investisse pleinement dans ce dispositif. Même si comme on le verra dans les aspects pratiques, il n’est pas nécessaire que le coût soit totalement à la charge de l’établissement.

Aspects pratiques

Bien organisé, ce dispositif « vacances accompagnées » ne pose pas de difficultés particulières, il offre même de nombreux avantages.

1. Un FAM (ou une MAS) a l’obligation d’assurer sa mission toute l’année. Si rien n’est organisé, l’établissement se retrouve avec un petit groupe de résidants durant la période d’été… l’établissement devient une garderie… ce qui incite certaines familles à garder leur enfant avec elles durant ces périodes (cercle vicieux). Comme je l’ai expliqué, il n’y a plus de projet formalisé, l’accompagnement est morcelé, sans objectif fédérateur… la tristesse s’installe, personne ne croit plus à rien : personnes handicapées elles-mêmes, familles, salariés…

Avec les vacances accompagnées, tout en assumant son obligation légale d’accompagnement, l’établissement (c’est-à-dire les bâtiments) peut fermer puisque l’accueil se fait sur un autre site.

Cela permet une bonne organisation des vacances des salariés qui peuvent faire valoir leur droit aux vacances (nombre de jour minimum durant la période estivale, par exemple).

Pour l’encadrement des séjours de vacances, l’expérience montre que des accompagnateurs de l’établissement qui ont une bonne connaissance des personnes avec autisme est nécessaire ; ils peuvent être secondés par d’autres accompagnateurs d’établissements pour enfants pour qui cela constitue un complément de ressources, des moniteurs de colonies de vacances, des vacataires (à la condition de ne pas embaucher de personnes sous-qualifiées au regard des obligations de l’établissement).

Ce dispositif a été expérimenté et fonctionne. Il ne désorganise pas les plannings, bien au contraire.

2. Les personnes qui sollicitent l’accompagnement aux vacances acceptent un principe qui conditionne le bon fonctionnement du dispositif. Elles sont accompagnées par l’établissement et donc considérées comme présentes dans l’établissement ; les jours de séjours viennent en déduction des 5 semaines prévues d’absence dans l’établissement. L’établissement finance le séjour car les personnes sont bien accueillies par l’établissement (il y aurait un coût si les personnes restaient sur place : accompagnement, activités, alimentation, entretien, transport, veilleur de nuit, astreinte) et les personnes handicapées financent le surplus (coût de la location, surplus de transport, activités supplémentaires).

3. En réalité, toutes les études économiques que nous avons pu faire montrent que le dispositif de vacances accompagnées ne génère pas de surcoût puisque le prix de journée est versé. De toute façon un établissement assurant sa mission d’accompagnement 365 j/365 (obligation légale) conduit inévitablement à disposer, même avec un effectif restreint, d’un temps d’infirmière même si l’effectif des résidants est réduit, d’un prestataire pour l’entretien et les repas, d’un veilleur de nuit, ce qui peut revenir fort cher lorsqu’il n’y a qu’un tout petit nombre de résidants qui restent, etc.

4. Enfin, il est important de rappeler que les personnes avec autisme accueillies en FAM, MAS peuvent présenter des problèmes de comportement (c’est pour cela qu’elles ne sont pas orientées vers des foyers ordinaires) qui ne sont pas acceptés dans les organismes qui organisent des séjours de vacances et que cela leur est très préjudiciable. En cas de renvoi du séjour de vacances, légalement, c’est à l’établissement (et non à la famille) qu’il reviendrait de venir chercher le résident, ce qui l’obligerait à rappeler du personnel…

Ces considérations terre à terre, assez loin de la philosophie du projet, doivent être rappelées face aux réticences de certains qui n’arrivent pas à s’inscrire dans un véritable projet de vie pour adultes qui n’est pas un substitut d’établissement pour enfant.